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Librairie Le Goût des Mots
31 janvier 2014

En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis

Eddy Bellegueule, c'est Edouard Louis avant. Un enfant né au mauvais endroit, dans la mauvaise famille, parce trop différent. Cette différence, il la porte dès son plus jeune âge. Garçon fluet, aux gestes efféminés, il est rejeté par ses parents, ses camarades d'école. Il suscite le dégoût et la haine de ses proches, ne comprenant pas lui même pourquoi. Il subit humiliations permanentes, coups et crachats. Il tentera devenir "un dur", pour être conforme à ce qu'on attend de lui. En vain. Il finira par accepter son homosexualité, mais à quel prix... Eddy a fui son milieu d'origine pour devenir lui-même. Une fuite vitale. A l'image de la démarche de Pierre Rosanvallon "Raconter la vie", on découvre avec ce roman un monde dont on ne parle pas. Ici c'est la misère sociale, économique et culturelle, la violence et le racisme, un monde fermé sur lui même, un monde dans lequel on quitte l'école pour entrer à l'usine, et dans lequel la moindre ambition est tuée dans l'oeuf.

"L'envie qu'avait Sabrina de faire des études de médecine provoquait à la fois l'hilarité et le mépris. "La Sabrina qui se la raconte, qui joue la madame à vouloir être mieux que les autres !"

En finir avec Eddy Bellegueule est un roman/récit poignant. Un texte d'une maturité incroyable (l'auteur a 21 ans), un texte parfois cru, violent, à l'image des événements vécus. C'est une histoire qui interroge, tant on se demande comment Edouard Louis a pu s'affranchir de son enfance pour créer sa propre vie, aux antipodes de celle à laquelle il semblait destiné. Le tout est parfaitement orchestré, d'une écriture minutieuse et incisive. Eddy est mort, vive Edouard, un romancier à suivre !

Morceaux choisis :

"Quand au lycée je vivrai seul en ville et que ma mère constatera l'absence de télévision chez moi, elle pensera que je suis fou - le ton de sa voix evoquait bel et bien l'angoisse, la déstabilisation perceptible chez ceux qui se trouvent subitement confrontés à la folie. "Mais alors tu fous quoi de tes journées si t'as pas de télé ?"

Quand le jeune Eddy veut faire du théâtre, il doit parcourir jusqu'à 15 km à pied le soir, traversant les champs boueux pour rentrer chez lui. "Personne t'oblige à faire tes conneries de théâtre" lui répond son père.

Editions Seuil - 17€

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